vendredi 27 novembre 2009

HISTOIRE DE DAME SAGE

Je ne sais pas si ça se fait de demander à son ange des nouvelles d’autres de ses protégés, m’enfin, tant que c’est pas des ragots…

C’est juste parce que cette dame m’a interpellée par sa détermination à aller droit au but, est-ce à dire, l’autre côté du trottoir, et qu’elle était mignonne avec sa canne, ses habits verts et ses lunettes rondes.

Ah, c’est une coquette comme toi? C’est pour ça que vous vous entendez si bien! Vous échangez des recettes de crèmes capillaires? De démêlants naturels? Elle vous apporte des grenades de son jardin? Alors, elle a un jardin. Mais ici, à Paris? Ah, bon à la campagne. Et vous y allez souvent? Elle oui, vous non. Ce n’est pas votre département? Quoi? Ça marche par département, les anges? Ça veut dire que quand je voyage, ce n’est plus toi qui me protèges? Ça alors, je trouve ça pas rassurant du tout. Je ne bougerai plus, je ne partirai plus jamais en voyage. Tu ne me crois pas? Mais moi avant, je ne savais pas que j’avais un ange! J’y allais comme ça, par confiance en général dans la vie, sans trop trébucher, en me relevant en cas de besoin, mais maintenant que je sais que j’en ai un! J’ai peur sans toi.

La sage dame marche comme une tortue, j’ai qu’à faire pareil – me dis-tu. Oh, je sens là un ton vexé. Tu es vexé parce que je ne veux plus partir en voyage? Mais tu devrais être content, je me suis accrochée à toi. À l’intérieur? La dame tortue porte son ange à l’intérieur? De quoi, de ses habits verts? À l’intérieur d’elle-même! Et comment elle fait? Tu es transportable comme ça, téléportable d’un point de la terre à un autre, sans intervention divine? Par la force de ma pensée? Il me faut beaucoup d’épinards à ma pensée avant que j’y arrive. Ou des habits verts.

jeudi 26 novembre 2009

LE MATIN TÔT

Je me lève et te trouve dans ma salle de bains, devant le miroir, une brosse à la main. Ça ne rigole pas quand on écrit que tu es coquet. Soit. Je te prête ma brosse, de toute façon tes cheveux frisés sont bien plus difficiles à démêler que les miens où nulle barrette ne s’accroche. Ça a été un drame toute mon enfance, ça, de toujours avoir les mêmes cheveux raides. Maintenant le drame est fini, et avec lui, l’enfance. Quoique… En tant qu’ange, ne pourrais-tu pas me friser les cheveux? Non? Bon d’accord, je sais c’est sans espoir. Ben, oui, il n’y a pas que toi qui es coquet. Tu te brosses, mais tu te dépêches, je dois sortir après et il est hors de question de le faire sans toi, c’est trop dangereux. Ok, ok, cinq minutes. De toute façon, ce n’est pas avec la cafetière qu’il peut m’arriver quelque chose.

Le café bien amer me donne le goût du matin et je m’apprête à sortir en oubliant l’ange. C’est que je ne suis pas encore habituée. Mais au coin de la rue j’y pense, une vieille personne traverse subtilement le passage clouté et une voiture freine juste à temps pour éviter le pire. Je suis sûre que c’est lui. La vieille dame finit sa traversée glorieusement, comme si rien au monde ne pouvait l’en empêcher. Elle trace, lentement son chemin de tortue sage, l’agitation de la jeunesse ne l’atteint point, cette dame a le même ange que moi, je le reconnais.

Je lui demanderais de me raconter quelques petites histoires qui me feront faire connaissance avec la dame-tortue.

mardi 24 novembre 2009

NAISSANCE D’UN MESSAGER

NAISSANCE D’UN MESSAGER

Toi que je dois inventer, es-tu un homme, es-tu une femme, déjà, quel est ton âge, je pense sans âge, sans sexe, mon stylo écrit ange au lieu d’âge, alors je te laisse venir, mon ange, car tu viens par tes propres moyens. Toi, donc, mon ange, as-tu des ailes, as-tu une substance autre que celle des mots qui te créent? Ange es-tu manifestement là quand mon stylo t’écrit tout seul. Je t’invente une vie, alors, une vie d’ange affairé. Est-ce que tu t’occupes d’une seule personne à la fois? Non, je me dis que tu dois être un ange moderne très très occupé, avec téléphone portable au bout des ailes, sûrement. Parce qu’en plus, on doit être en panne d’anges avec la croissance exponentielle de la population. Toi, mon ange, es-tu débordé? As-tu des réussites, comment encaisses-tu tes échecs? Le problème de la reconnaissance. Oui, parce que je parie que tu travailles beaucoup sans qu’on sache que c’est toi. Car tout ange est invisible, discret, et donc forcément humble. Mais, est-ce que les anges ont droit à avoir leur petit caractère? Le tien… Serais-tu un ange paresseux? Ou mélancolique? Un ange coquet. Oui, qui passe beaucoup de temps à soigner ses ailes, à en recoudre des plumes, et du coup, est-ce que tu oublies de me protéger?

Moi, qui marche droite dans la brume, qui oscille entre le contentement et la peur, moi qui sort de l’ombre, mais jamais ne m’ennuie. Je me sens bien protégée, aujourd’hui.