jeudi 14 janvier 2010

LA FEMME ET LE PETIT GARÇON

Je te vois tourner la tête à chaque fois qu’elle passe, descendant la rue avec ses lèvres recouvertes d’un rouge orangé, ses beaux manteaux d’hiver design et sa taille imposante, la main dans la main d’un petit garçon noir. Tous les matins, on les croise en chemin vers l’école. C’est sûrement toi qui me pousse à lui adresser un sourire à cette femme, depuis plus d’un an, durant lequel j’ai vu le petit garçon grandir, descendre des épaules de sa mère, et marcher désormais par ses propres moyens. J’aimais bien pourtant la voir en maman cheval, grande, blanche, alsacienne peut-être, ou de Haute Loire, une femme sans doute arrivée à la quarantaine sans enfant, sans avoir trouvé l’homme de sa vie, une femme de carrière, beaux habits et fierté. Je l’aime bien, cette femme courageuse qui a décidé, j’imagine, d’adopter un enfant en Afrique, qui l’élève seule, qui s’élève au rang des mères célibataires dont le désir de se donner à un petit être est plus grand que le réalisme de leur condition.

Mais je me demande, mon ange, si quand tu tournes ta tête c’est envers elle, ou envers le petit garçon qui voit le monde de haut, ce monde en béton et métal, si diamétralement opposé à la savane qui l’a vu naître.

Quand viendra le jour où les mots se colleront aux choses et qu’il voudra savoir où sont ses vrais parents, et que cette femme immense et blanche devra admettre que la biologie crie parfois plus fort que l’amour détaché, c’est là mon ange que ton travail commencera à se corser. Recoudre les fils interrompus d’une filiation désirable, suggérer que l’on peut accepter l’inconnu, le non-dit, l’abandon, lui apprendre à ranger sa douleur, comme dirait l’écrivain, dans un petit coin de son cœur, et lui montrer que l’on doit s’en nourrir sans rage, ah l’ange… quel métier le tien !

vendredi 8 janvier 2010

VANITÉS

Aujourd’hui c’est moi qui te suis chez le coiffeur, au magasin de bijoux, à la boutique de maquillage choisir un fond de teint qui cachera tes cernes, c’est vrai, récemment tu as beaucoup de cernes sous tes yeux adorés. Plus vite, plus vite me dis-tu, le temps presse, les congés des anges sont plus rapides qu’ils ne le voudraient. On vole. Que penses-tu de mes boucles ? me demandes-tu, presque désespéré au milieu des nuages. Mais tu es si beau, mon ange, si particulièrement tendre et amical, tes yeux transparents sont sublimes, et tes boucles encadrent ton visage comme un pourtour doré. Tes joues que l’on va rosir de cette poudre minérale respirent la générosité de ton être, et invitent les passants à de bruyants baisers. Les cernes, eh bien, sont signe de ton acharnement, ton incurable espoir, mon ange, qui dit : il n’y a jamais de cas perdu.